PROFILS | Publié : mars 2022

Sciences politiques et économiques : trois recherches

Faïçal Zellama, chercheur à l'USB.

Faïçal Zellama, professeur à l'USB, participe actuellement à trois projets de recherche. 

Professeur à l’École d’administration des affaires de l’USB, Faïçal Zellama est un mordu de politiques économiques et publiques. Trois vastes projets de recherche appliquée l’occupent en ce moment.  

Pour améliorer les services aux nouveaux arrivants

Une première recherche, qui vient de prendre fin, visait l’amélioration de la prestation de services aux nouveaux arrivants. Si Faïçal Zellama en était le chercheur principal, son équipe multidisciplinaire comprenait aussi, notamment, le géographe Étienne Rivard (USB), l’historien Patrick Noël (USB) et l’anthropologue en éducation Nathalie Piquemal (Université du Manitoba).

Comment est né le projet ? « À la lecture du plan 2017-2022 d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada concernant les services aux nouveaux arrivants, j’ai remarqué des imprécisions, relate le professeur. Je me suis montré proactif : j’ai construit mon équipe de recherche et nous nous sommes rapidement mis au travail pour écrire une lettre d’intention très détaillée à IRCC lui proposant une recherche sur les failles relatives aux services aux nouveaux arrivants et à leur intégration. À mon avis, il fallait d’abord analyser les services existants avant d’en créer d’autres. »

IRCC a accepté le projet de Faïçal Zellama et a accordé à son équipe un financement de trois ans (2018-2022).

De nombreuses entrevues – individuelles ou en groupe – ont été menées, que ce soit avec des bénéficiaires ou avec des pourvoyeurs de services. Une riche base de données contenant près de 1 000 noms a été constituée. « Nous avons pris notre temps pour interroger les gens, se félicite Faïçal Zellama. Autour d’un bon café, les nouveaux arrivants aiment bavarder. En partageant leur vécu, ils nous dévoilent de l’information importante. »

Les résultats montrent qu’au Manitoba, 44 % des nouveaux arrivants n’utilisent pas les services offerts (contre 40 % à l’échelle nationale). Trois motifs ressortent : le manque de communication, la désuétude des programmes et des raisons culturelles. « Sur le plan culturel, par exemple, faire la file pour obtenir un service peut être honteux pour certains nouveaux arrivants. Ils ont l’impression d’avoir l’air pauvres. »

Une autre donnée révèle que 45 % sont « déqualifiés », c’est-à-dire qu’ils n’occupent pas un emploi à la hauteur de leur formation et de leur expérience. « Ce que nous avons découvert, au-delà de cette statistique, c’est que, pour plusieurs, il s’agit d’une stratégie. Les gens acquièrent de l’expérience, effectuent des études ou font du travail autonome en vue d’un nouveau décollage. »

Les effets de la pandémie sur les nouveaux arrivants francophones

La deuxième recherche de Faïçal Zellama concerne les effets distinctifs de la pandémie sur les nouveaux arrivants francophones. Financée par le Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH), elle a été entamée à l’automne 2021.  

Quatre études de cas sont menées dans quatre villes canadiennes. Un total de seize familles sont donc rencontrées à Moncton, Ottawa, Winnipeg et Vancouver. « Il ne s’agit pas d’entrevues individuelles, précise monsieur Zellama. Nous nous penchons sur l’entité familiale. » Toutefois, parmi les participants, certains individus peuvent être invités à donner plus de détails sur leur situation. « Par exemple, un enfant peut nous parler spécifiquement d’éducation. »

D’après les résultats préliminaires, la pandémie a pu avoir certains effets positifs, a constaté le chercheur. Quand ils arrivent au Manitoba, les nouveaux arrivants vivent un choc climatique, mais aussi culturel. La société d’accueil peut leur sembler moins hospitalière que leur pays d’origine. « Un fossé se creuse alors entre la culture des parents et celle de leurs enfants, qui grandissent au Canada. Les enfants sont plus individualistes, alors que les parents sont plus collectivistes. Cela peut mener à des discussions explosives! » La pandémie a peut-être ainsi rapproché les deux générations, qui se côtoyaient à la maison.

Toutefois, l’étude fait aussi état de ralentissement et d’obstacles, qu’il s’agisse des services d’IRCC, de l’éducation à distance ou de l’accès à des outils technologiques comme Internet. Des projets comme la reconnaissance de diplôme ou l’arrivée sur le marché du travail ont pu être reportés. Certains nouveaux arrivants ont aussi pu subir des microagressions au travail ou des actes de racisme déguisé dans les lieux publics.

La pandémie aurait également affecté la mobilité démographique. « En temps normal, la migration interprovinciale est déjà élevée. Beaucoup de nos nouveaux arrivants quittent le Manitoba. La pandémie a amplifié cette situation. Les gens ont développé moins d’attachement à leur province d’arrivée : ils regardent ailleurs, par exemple en direction de l’Ontario, où le salaire minimum est plus élevé. »

Avec son équipe, Faïçal Zellama présentera ses résultats à des organisations comme le Réseau en immigration francophone du Manitoba (RIFM), partenaire de l’étude. Il a plusieurs recommandations à faire. Relativement à l’exode des nouveaux arrivants vers d’autres provinces, il a une position claire. « Le Manitoba Provincial Nominee Program (MPNP) donne des résultats moyens. Nos services et politiques d’immigration ne tiennent pas compte du caractère évolutif du marché du travail. Ils doivent être mis à jour. Les nouveaux arrivants recherchent des pôles universitaires, du divertissement, la force de communautés d’origine bien établies. Donnons-leur l’envie de rester! »

Cohésion sociale

Enfin, Faïçal Zellama est le cochercheur d’une étude de trois ans sur la « cohésion sociale », menée en collaboration avec des chercheurs de l’Université d’Ottawa, de l’Université de Moncton, de l’Université de la Colombie-Britannique et de l’Université du Manitoba.

Selon monsieur Zellama, la cohésion sociale est une force qui va bien au-delà des facteurs d’intégration économique traditionnels. « Quand on a répondu oui aux questions “est-ce que j’ai un domicile ?” et “est-ce que j’ai un emploi?”, on n’a pas encore répondu à la grande question “quelles sont la nature et la qualité de mes liens avec ma société d’accueil?” ».

L’étude se propose, entre autres, de comparer l’interculturalisme et le multiculturalisme. Ces deux approches sociétales favorisent-elles le rapprochement entre les communautés ou créent-elles des divisions ? « Il n’y a pas de bonne réponse. Ces deux philosophies ont leurs avantages et leurs inconvénients. Nous voulons mieux savoir lesquels en analysant des éléments comme la loi 101, la francisation, les chartes des droits et libertés. » L’étude se terminera en 2024.

 

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