Vol. 4, no 2, automne 1992, p. 243-260
Rélexions féministes sur les romans de Simone Chaput
par
Louise Renée Kasper
University of Manitoba
Winnipeg (Manitoba)
RÉSUMÉ
Cet essai offre une lecture féministe des deux romans de Simone Chaput, La vigne amère et Un piano dans le noir. Les deux protagonistes, Judith et Andrée, sont déchirées entre le rêve de l’émancipation et la peur de la réussite. Leur attitude défaitiste est rattachée à leur cécité à l’égard de leur condition féminine. Judith, une jeune paysanne battue par un père qui l’oblige à travailler dans la vigne, est plus visiblement une femme opprimée. De son côté, Andrée paraît plus émancipée mais, convaincue que tous les maux de la vie proviennent de la société moderne, elle se replie dans certaines valeurs traditionnelles qui entravent son élan vers l’autonomie. L’incapacité de Judith de se révolter, de prendre la parole contre ce qui la blesse, se reproduit chez Andrée par l’incapacité de s’exprimer par la création artistique. Ni l’une ni l’autre ne peut «partir», quitter sa prison mentale. Ces deux romans constituent une puissante évocation de la difficulté de devenir femme.
ABSTRACT
This paper offers a feminist reading of Simone Chaput’s two novels, La vigne amère and Un piano dans le noir. The two protagonists, Judith and Andrée, are torn between the dream of emancipation and the fear of success. Their defeatist attitude is linked to their failure to see their feminine condition. Judith, a young peasant beaten by a father who forces her to work in the vineyards, is more visibly an oppressed woman. Andrée, for her part, appears to be more emancipated but, persuaded that all of life’s ills are the product of modern society, she falls back upon certain traditional values that thwart her impetus towards independence. Judith’s inability to rebel, to speak out against what hurts her, is mirrored in Andrée’s incapacity to express herself through artistic creation. Neither of them can “leave”, get away from their mental prison. Both novels are a powerful portrayal of the difficulty of becoming a woman