Vol. 3, no 1, printemps 1991, p. 43-54
La femme et la guerre dans Bonheur d'occasion de Gabrielle Roy
par
Andrée Stéphan
Université de Rennes II (Haute-Bretagne)
Rennes (France)
RÉSUMÉ
La relation des femmes et de la guerre dans Bonheur d'occasion de Gabrielle Roy est de première importance pour apprécier la signification fondamentale de l'oeuvre. Elle a même une large part dans la justification du titre. La Seconde Guerre mondiale constitue un arrère-plan constant du roman. Certes, la guerre est loin du Québec mais les phases du conflit et son extension suscitent des discussions passionnées, des engagements convaincus ou contraints, des dérobades égoïstes et lucratives. Mais, sur ces problèmes internationaux, les femmes prennent peu position; il semble d'usage, dans ce Québec des années quarante, que la femme soit incapable de toute réflexion politique et doive s'en tenir aux préoccupations individuelles ou familiales. Lorsqu'elles se trouvent confrontées malgré tout aux signes ou aux ravages de la guerre, les deux héroïnes de l'oeuvre y répondent de manière antagoniste, Florentine avec un futilité à peine perturbée, Rose-Anna, sa mère, avec effroi et compassion. Elles vont pourtant l'une et l'autre tirer quelque profit des tourments de l'époque. L'enrôlement de leur époux et leur départ vers l'Europe sont pour elles, bon gré mal gré, une aubaine; elles y trouvent la sécurité et une aisance qu'elles n'ont jamais connues. Mais elles ne peuvent jouir, malgré un sentiment de satisfaction plus ou moins refoulé, que d'un bonheur altéré, l'une dans le désenchantement de sa jeunesse et le durcissement de son coeur, l'autre dans le désarroi de sa tendresse blessée. «Le salut dans la guerre» ne peut être qu'un paradoxe amer.
ABSTRACT
The relationship between women and war in Bonheur d'occasion (The Tin Flute), written by Gabrielle Roy, is highly important to appreciate the basic meaning of the novel. This relationship contributes mainly to justify the title of the book. World War II is a constant background in this novel. War is not taking place in Québec, but conflict stages and extension bring up passionate discussions, selfish and lucrative evasions. But women scarcely adopt a position about international problems; in this Québec of the '40's, women seem to be unable to have political thought, and care only about individual or familial problems. However, when they are faced with signs or ravages of war, they respond with an antagonistic attitude: Florentine with at hardly ruffled sense of futility, her mother Rose-Anna with fear and compassion. Nevertheless, both will gain some advantage from this period's upheaval. Their husbands' enlistment and departure to Europe are a boon to them, whether they like it or not; they discover a safety and freedom never experienced before. But in spite of a more or less repressed feeling of satisfaction, they can only enjoy a spoilt happiness, the former in her disenchantment with youth and the hardening of her heart, the latter in the confusion of her wounded tenderness. «Salvation through war» can only be a bitter paradox.
RESUMEN
La relación de las mujeres y de la guerra en Bonheur d'occasion (Felicidad ocasional) de Gabrielle Roy, es de primera importancia para apreciar el sentido fundamental de la obra. Representa incluso una gran parte en la justificación del titulo. La segunda guerra mundial constituye un telón de fondo constante de la novela. La guerra está desde luego lejos del Québec, pero las fases del conflicto y su estensión suscitan discusiones apasionadas, empeños convencidos o forzados, escapatorias egoistas y lucrativas. Pero, respeto a esos problemas internacionales, las mujeres se comprometen poco; en el Québec de los años cuarenta, parece usual que la mujer sea incapaz de toda reflexión política y tenga que limitarse a las preocupaciones individuales o familiares. Cuando, a pesar de todo, se encuentran las dos protagonistas de la obra confrontadas a los signos y estragos de la guerra, reaccionan de una manera antagonista, Florentine con una apenas perturbada futilidad, Rose-Anna, su madre, con espanto y compasión. Sin embargo ambas van a aprovechar los tormentos de la época. El alistamiento de sus esposos y su salida hacia Europa contituyen para ellas, de buen o de mal grado, una oportunidad; les permite experimentar una seguridad y un desahogo, que nunca habian tenido. Pero solo pueden gozar, a pesar de un sentimiento de satisfacción mas o menos reprimido, de una felicidad alterada, una en el desencanto de su juventud, y el endurecimiento de sa corazón, la otra en el desconcierto de su ternura herida. «La salvación en la guerra» solo puede ser una amarga paradoja.