Vol. 24, nos 1 et 2, 2012, p. 57-72
Lise Gaboury-Diallo: entre l'esprit cartésien et le réalisme merveilleux
par
Maria Fernanda ARENTSEN
Université de Saint-Boniface
RÉSUMÉ
Ce travail propose une lecture de la nouvelle de Lise Gaboury-Diallo «Errances lointaines», publiée dans le recueil Lointaines (2010). On y analyse les mécanismes par lesquels la romancière manitobaine réussit à susciter un nouveau regard par rapport à la folie par le biais d’un discours rafraîchissant impliquant la présentation d’une nouvelle vision du monde qui remet en question certaines valeurs des sociétés modernes, comme «l’esprit cartésien». Plus précisément, ce travail analyse le récit de la vie de Kady, jeune femme africaine supposément folle, à la lumière des théories sur le réalisme magique ou merveilleux, tel que défini par Alejo Carpentier et Jacques Stéphan Alexis. La perspective réaliste merveilleuse permet à l’auteure de contester les catégories binaires rigides des sociétés occidentales et d’introduire une nouvelle version de l’histoire des femmes, ce qui suppose une remise en question de la société patriarcale permettant d’offrir de nouvelles possibilités d’être au féminin, même si cela implique une rupture avec les relations humaines. On analysera comment ce récit subversif réussit à contester en même temps les valeurs des sociétés modernes (l’esprit cartésien) et des sociétés traditionnelles (le patriarcat), tout en s’insérant dans le dialogue multiculturel de l’Ouest canadien comme une voix inquiétante et provocante.
ABSTRACT
In this article, we present a reading of Lise Gaboury-Diallo’s short story “Errances lointaines,“ published in the collection Lointaines (2010), in which we analyse the mechanisms the Manitoban writer successfully uses to offer readers a fresh look at madness through a refreshing discourse involving a new vision of the world that calls to question certain values of modern society, such as a Cartesian rationalism. More precisely, in this article, we analyse the telling of the life of Kady, a young African woman who is supposedly mad, through the lens of theories on magical or marvelous realism, as defined by Alejo Carpentier and Jacques Stéphan Alexis. By adopting a marvelous realistic perspective, the author is able to challenge rigid black-and-white categorizations of Western societies and to introduce a new version of women’s history—which presupposes a calling-to-ques-tion of patriarchal society such that new possibilities of being, from a feminine perspective, are opened up, even if this implies a break with human relations. We will analyse how this subversive tale successfully challenges the values of modern societies (Cartesian rationalism) and traditional societies (the patriarchy) while, at the same time, introducing a new, troubling and provocative voice into the multicultural dialogue of the Canadian West.