Vol. 24, nos 1 et 2, 2012, p. 3-13
Un Ouest canadien tourné vers l'autre
par
Eileen LOHKA
University of Calgary
RÉSUMÉ
Est-ce que l’Ouest canadien doit irrémédiablement être traversé par une dynamique identitaire liée au contexte minoritaire de la langue française? Est-ce que son écriture se doit de valoriser ses valeurs historiques, son imaginaire des plaines et son héritage linguistique, même lorsqu’elle se laisse doucement infiltrer par l’écriture hétérogène de ses vagues d’immigrants? Quels sont les enjeux auxquels doit faire face cette littérature encore dans l’enfance mais qui cherche sa place auprès des littératures québécoise et acadienne? En nous basant sur le cheminement littéraire d’une Marguerite-A. Primeau ou d’une Lise Gaboury-Diallo, filles du terroir et écrivaines bien ancrées dans le paysage de l’Ouest canadien, nous tenterons de démontrer comment les préoccupations d’une littérature basée sur l’espace (des prairies) dont elle est issue élargissent par ailleurs les perspectives de lecture grâce à des choix esthétiques et linguistiques qui prônent l’interstice. Les théories de François Paré, de Simon Harel, d’Hédi Bouraoui ou encore de François Cheng nous permettront de développer les idées de la traversée, de l’effacement des frontières et de l’indétermination du lieu – et de la langue, comme chez Gisèle Villeneuve ou Pierrette Requier – pour cerner les dialectiques de la littérature francophone de l’Ouest canadien.
ABSTRACT
Must the Canadian West irremediably be crossed over by a dynamic of identity-defining that is tied to the minority status of the French language? Is the writing of this region duty-bound to promote its historical values, its imaginative life set in the Plains and its linguistic legacy, even as it is quietly infiltrated by the heterogeneous writings of its waves of immigrants? What are the issues that this literature—still in its infancy, even as it struggles to find its place alongside the literatures of Quebec and Acadia—must face? Basing our reflections on the literary development of a Marguerite-A. Primeau or a Lise Gaboury-Diallo, daughters of the Prairies and writers who are well established in the landscape of the Canadian West, we will attempt to demonstrate how the preoccupations of a literature based on the space out of which it emerges (The Prairies) broaden the perspectives of readers through aesthetic and linguistic choices that laud the spaces in between. Calling on the theories of François Paré, Simon Harel, Hédi Bouraoui or indeed François Cheng, we will develop the ideas of crossing and effacing borders as well as the indeterminate nature of place—and of language, as we find in the writings of Gisèle Villeneuve or Pierrette Requier—to define the dialectics of francophone literature in the Canadian West.