Vol. 21, nos 1 et 2, 2009, p. 229-245
Voix d’élèves sur l’apprentissage en français en milieu francophone minoritaire:
de quelques incidences didactiques
par
Paule BUORS
Division scolaire franco-manitobaine
et
François LENTZ
Collège universitaire de Saint-Boniface
RÉSUMÉ
Depuis quelques années, les «voix des élèves» sont devenues, particulièrement au cycle secondaire, une source importante pour accroître la pertinence de l’intervention éducative en milieu scolaire. Depuis quelques années, les voix des jeunes francophones en milieu minoritaire ont été également mises à profit pour étudier les pratiques langagières et identitaires des élèves qui fréquentent les écoles de langue française. Lors de la tenue du premier colloque sur l’apprentissage en français langue première dans l’Ouest et le Nord canadiens en 2007, six élèves ont pris la parole sur divers aspects liés à leur vécu scolaire en français. Leurs témoignages sont ici commentés sous l’angle de leurs incidences didactiques. Les souvenirs marquants de leur vécu scolaire que les élèves attachent à la langue française sont associés à des expériences d’apprentissage où la langue est vécue, non comme un objet d’études centré très souvent sur son fonctionnement, mais plutôt comme une pratique langagière, vecteur de l’expression d’une affirmation identitaire et d’un attachement à la langue. Les élèves réclament une classe de français envisagée comme un lieu d’échanges et de réflexions sur la langue dans sa dimension pragmatique, qui touchent au vécu d’adolescents francophones au début du XXIe siècle. À la lumière des témoignages, il n’est sans doute pas erroné d’affirmer que le type de travail pédagogique mené sur la langue française, au sein même de l’école francophone, n’est pas sans incidence sur les images que les élèves se développent de la langue, sur le rapport qu’ils se construisent à elle. Il importe en effet de veiller à ce que la langue française ne soit pas perçue, par les élèves eux-mêmes, exclusivement comme la langue de la scolarisation, déconnectée de leur processus de personnalisation et de socialisation. Aux yeux des élèves, il est clair que la finalité ultime de la scolarisation dans l’école francophone dépasse le but langagier, aussi important soit-il, mais vise l’établissement, par les élèves eux-mêmes, d’un rapport affectif et identitaire à la langue française. La pédagogie en milieu francophone minoritaire doit donc être «intervenante» et permettre aux élèves de trouver un sens à devenir francophones.
ABSTRACT
For some years now, the «voices of the students» have become a significant source for increasing the pertinence of educational action in a school setting, particularly in secondary school. For some years, as well, the voices of francophone youth in a minority setting have been consulted in studies of language and identity-related practices among students who attend French-language schools. When the first conference on learning in French, first language (français langue première), in Western and Northern Canada was held in 2007, six students spoke on various aspects of their school experience in French. Their accounts are commented on here from the point of view of their didactic impact. The outstanding memories of these student’s school experience that are associated with the French language involve learning experiences in which language is experienced not as an object of study (which in such cases tends to focus on functional aspects of language), but rather as a linguistic practice—that is, a vector for the expression of an affirmation of identity and attachment to the language. The students would like to see a French class that is envisioned as a forum for discussions and thinking about language in its pragmatic dimension that relate to the lives of French-speaking teens in the early 21st century. In light of their accounts, we would likely not be far off base if we were to affirm that the sort of pedagogical work being done on the French language within the very walls of francophone schools will not fail to have an impact on the images that the students develop in regard to the language and the relationship that they build with this language. It is important, then, to remain watchful to avoid a situation in which the students themselves view the language as something quite separate from their personal and social development, to be used exclusively in a school setting. From the students’ own point of view, the ultimate purpose of enrolment in a francophone school clearly goes beyond a simple matter of learning the language, as important as this may be. Rather, the aim of the students themselves is to establish an affective and identity-defining relationship with the French language. Pedagogy in a minority francophone setting must therefore be actively involved with helping the students to find meaningful reasons to become French-speakers.