Vol. 17, nos 1 et 2, 2005, p. 145-153

 

La guerre dans Bonheur d'occasion de Gabrielle Roy

par

Yvon Le Bras
Brigham Young University
Provo (Utah), USA

RÉSUMÉ

Publié en 1945, Bonheur d’occasion de Gabrielle Roy est considéré à juste titre comme un roman-clé de la littérature québécoise qui s’était voulue jusque-là, à quelques exceptions près, comme une littérature édifiante, tournée vers le passé et attachée à la terre. Fruit de l’expérience personnelle, il s’inscrit dans la continuité du réalisme social et du naturalisme français en jetant un éclairage nouveau sur le présent et l’avenir problématiques d’un faubourg populaire de Montréal à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Si Bonheur d’occasion illustre mieux qu’aucun autre roman québécois de cette époque la détresse, le malheur et la solitude qui accompagnent l’existence misérable d’une population urbaine éprouvée par le chômage, il se caractérise par la place toute particulière qu’occupe le thème de la guerre dans son tissu textuel. Plus qu’une simple toile de fond, elle s’impose dans les propos qu’échangent ses protagonistes et se fait l’écho d’un débat qui ne peut laisser indifférent le lecteur d’hier et d’aujourd’hui.

ABSTRACT

Published in 1945, Bonheur d’occasion by Gabrielle Roy is rightly considered as a key novel in Québec literature which was up to that time, apart from a few exceptions, a norm-affirmative literature turned toward the past and attached to the earth. A product of personal experience, it can be situated in the context of French social realism and naturalism, as it depicts the problematic present and future of a working class suburb of Montréal on the eve of World War II. Although Bonheur d’occasion illustrates better than any other Québec novel of this period the despair, misfortune, and loneliness accompanying the miserable existence of an urban population plagued by unemployment, it is characterized by the particular place occupied by the war theme in its textual fabric. More than a simple background, it emerges in the verbal exchanges between its protagonists and echoes a debate that cannot leave yesterday’s or today’s reader indifferent.