Vol. 17, nos 1 et 2, 2005, p. 33-44

 

Incidents de parcours de Simone Chaput et la force de l'image

par

Eric Annandale
University of Winnipeg
Winnipeg (Manitoba)

RÉSUMÉ

Dans Incidents de parcours, Simone Chaput confirme, d’une part, sa vision sombre, mais non sans compassion, de la vie et, d’autre part, sa façon de l’écrire utilisant un style dont l’élément de base est l’image. Sa prose sensuelle et souvent poétique entraîne rapidement le lecteur dans un monde dont la surface parfois souriante cache des profondeurs angoissantes. Parmi la panoplie d’images et de métaphores qu’elle déploie, l’eau est l’élément qui semble être le plus riche en possibilités. Trois nouvelles l’illustrent de façon remarquable: «Six jours en juillet», «Sonia ou le naufrage» et «Le serpent de Cancún». La première est située au bord d’un lac où une romancière passe quelques jours pour pouvoir prendre dans la tranquillité une décision sur une scène violente qu’elle vient d’écrire, scène qui l’inquiète et qu’elle pense maintenant devoir peut-être supprimer. D’où vient cette violence qu’elle n’a jamais connue dans sa propre vie? La première nuit, le lac l’accueille dans ses eaux chaleureusement, sensuellement. Mais nageant dans le lac le lendemain soir, sans que le lac ait changé objectivement, elle est saisie par une terreur paralysante. L’eau tiède des nuits d’été, après avoir éveillé ses sens, fait ensuite sortir de son inconscient des images dont l’effet sur elle est violent. Dans les deux autres nouvelles se trouvent aussi une atmosphère de violence et surtout un pressentiment de danger dans un moment qui, la plupart du temps, en est un d’espoir et de plaisir: le début du printemps dans «Sonia ou le naufrage» et des vacances ensoleillées au bord de la mer au Mexique dans «Le serpent de Cancún». L’eau de la fonte des neiges qui commence son cours presque sournoisement sous la surface de la neige transforme la rivière en un torrent qui semble sur le point d’emporter le mariage, la vie que Sonia a connue. À Cancún, l’eau de l’océan est souillée par la présence de l’homme; sur la plage et dans la jungle, le danger et la menace semblent rôder.

ABSTRACT

In Incidents de parcours, Simone Chaput reaffirms her dark but not uncompassionate vision of life and her style of writing based on the use of images. Her sensual and frequently poetic prose rapidly draws the reader into a world whose frequently pleasant surface can hide anguishing depths. In the range of images and metaphors used by Chaput, it is water that seems to furnish the richest possibilities. Three stories illustrate that remarkably well: «Six jours en juillet», «Sonia ou le naufrage» and «Le serpent de Cancún». The first story takes place at a lake where an author is spending a few days to decide in peace and quiet whether or not to remove from her book a violent scene which she has just written and which bothers her. Where did that violence, which she has never encountered in her own life, come from? On the first night, the lake takes her sensuously into its warm water. Swimming the next night, however, she experiences a paralyzing terror. The warm summer’s night waters of the lake, having aroused her senses, now bring up from her subconscious images which have a violent effect on her. There is also an atmosphere of violence and especially of a foreboding of danger at a time when there is usually a feeling of hope and pleasure: the beginning of spring in «Sonia ou le naufrage» and sunny holidays on an ocean beach in Mexico in «Le serpent de Cancún». Water from melting snow begins to run almost stealthily beneath the surface of the snow to swell the river into a torrent which is on the verge of carrying away the marriage and the life that Sonia has known. At Cancún the ocean has been sullied by human presence and on the beach and in the jungle danger and threat seem to lurk.