Vol. 16, nos 1 et 2, 2004, p. 99-109
Interférences phonétiques et variation topolectale dans un corpus manitobain
par
Liliane Rodriguez
University of Winnipeg
RÉSUMÉ
Le français en usage au Manitoba présente au moins deux sortes de caractéristiques: celles qui proviennent de l’histoire de la langue française (archaïsmes, dialectalismes, devenus topolectes manitobains) et celles qui découlent de l’interférence avec son adstrat dominant, l’anglais. Il s’ensuit que le français manitobain subit une «polarisation» dynamique entre la forte survivance de formes anciennes du français qui restent productives (pouvant être sources de néologismes) et la production surtout situationnelle de formes anglicisées. Du fait de ce dynamisme et du fait qu’elles sont présentes dans toutes les composantes de la langue, de la phonétique à la syntaxe, ces deux tendances (ou «pôles») sont parfois difficiles à distinguer. Fondé sur des exemples extraits de nos corpus d’enquêtes manitobaines des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, le présent article s’attache à montrer les différences (surtout en phonétique) entre les formes issues de ces deux tendances, dans une perspective géolinguistique (pour dégager une variation linguistique présente et attestée au Manitoba, similaire à celle d’autres parties du Canada dans certains cas, distincte dans d’autres) et dans une perspective de linguistique appliquée (pour souligner la nécessité de distinguer entre formes françaises et anglicismes, en salle de classe).
ABSTRACT
The variety of French in use in Manitoba presents at least two types of features: features inherited from historical French forms (archaic or dialectal items, now Manitoban topolects) and features acquired from contact with and interference from English (adstrata). A dynamic “polarization” results from these two distinct sets of features: older linguistic forms that survive and remain productive (archaisms can be a source of neology) and anglicized forms which appear mainly in situational contexts. Because of their dynamic quality, and because they are present at all linguistic levels, from phonetics to syntax, these two tendencies (or “poles”) are sometimes hard to differentiate. Based on examples from our fieldwork and corpora established in the 1980’s and the 1990’s, this article analyzes the distinction between these two sets of features (with a focus on phonetics) from a geolinguistic perspective (concerned with the description of Manitoban French features, shared or not with other varieties of Canadian French) and from an applied linguistic perspective (concerned with the distinction between French and anglicized forms as it should be taught in the classroom).