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La sexualité des étudiants : rechercher pour prévenir
En janvier 2016, la Revue canadienne de santé publique publiait un article scientifique intitulé « Les comportements sexuels et le harcèlement sexuel en milieu postsecondaire dans l’Ouest canadien ». Cet article fait partie d’une recherche de longue haleine sur la santé des étudiantes et étudiants de l’Université de Saint-Boniface (USB) menée par les professeurs Stéfan R. Delaquis, Ndeye Rokhaya Gueye et Danielle de Moissac de ce même établissement. À cette recherche de qualité s’apparentent des résultats concrets chez les étudiants de l’USB.
Les chercheurs ayant participé à la réalisation de cette étude.
De gauche à droite : Danielle de Moissac, Stéfan Delaquis et Ndeye Rokhaya Gueye.
L’intérêt des chercheurs pour la santé des jeunes a vu le jour en 2002, lors d’une étude chez les jeunes de la Division scolaire franco-manitobaine (DSFM). « Nous cherchions à savoir ce qui se passait au niveau des comportements à risque chez les jeunes. C’était un bon point de départ, puis l’idée nous est venue de faire une recherche semblable chez les étudiants en milieu postsecondaire », raconte Stéfan Delaquis.
C’est donc dans cet esprit que lui et Danielle de Moissac ont effectué une première recherche à l’USB. En 2005, 359 étudiants âgés de 18 à 24 ans ont donc répondu à un sondage au sujet de la santé, autant mentale que physique ou sexuelle. « Ça prend des données pour démystifier les réalités et les démontrer. On ne peut pas aller bien loin en se fiant aux ouï-dire et aux anecdotes », explique Stéfan Delaquis. Des statistiques démontraient la présence de harcèlement sexuel et de relations sans consentement chez la population étudiante de l’USB. Les chercheurs ont décidé d’agir.
Conjointement à leur recherche, ils se sont joints au Comité de santé de l’USB qui collaborait déjà avec le Centre de santé pour offrir une clinique aux étudiants sur le campus. Quelques années plus tard, un partenariat a vu le jour avec l’Office régional de la santé de Winnipeg (ORSW), qui vient annuellement offrir une série de six séances d’information qui portent sur la sexualité. « Grâce à nos données, on a pu influencer la mise sur pied de ces formations pour les étudiants », se réjouit Danielle de Moissac.
Puis vient l’étude de 2012. Cette fois-ci, c’est 422 étudiants qui ont répondu au sondage. « C’est une étude comparative de deux années 2005 et 2012 sur les étudiants de l’USB. C’est là que ça devient intéressant parce que tu peux voir la progression de cette population par rapport à certains comportements ou non », indique cette chercheuse.
Selon les résultats comparés des deux recherches, on note en 2005 que les femmes étaient 1,6 fois plus susceptibles d’avoir été victimes d’intimidation par des commentaires sexuels inappropriés ou par un contact physique à caractère sexuel non voulu, 2,2 fois plus susceptibles d’avoir été physiquement forcées à avoir des relations sexuelles contre leur gré et 3,2 fois plus susceptibles d’avoir été forcées autrement que physiquement à avoir des relations sexuelles contre leur gré que les femmes de 2012.
La sensibilisation des étudiants quant à la politique sur le harcèlement et les autres initiatives mises en place par l’Université à la suite de cette recherche auront apporté des résultats concrets.
Il y a cependant encore beaucoup d’éducation et de sensibilisation à faire en lien avec la sexualité des jeunes en milieu postsecondaire. Par exemple, les résultats de l’étude de 2012 ont aussi révélé qu’environ 35 % des 18-24 ans utilisent la méthode du retrait comme moyen de contraception. « Ce qui est inquiétant, c’est qu’il y a des jeunes qui pensent que c’est efficace », admet Stéfan Delaquis.
Grâce à des recherches comme celle de Stéfan Delaquis, Danielle de Moissac et Ndeye Rokhaya Gueye, la réalité est exposée et des actions précises peuvent être entreprises.
À la suite des résultats de l’étude de 2012, des distributeurs de préservatifs ont été installés dans certaines salles de toilettes de l’USB. L’équipe de chercheurs compte poursuivre son étude en 2018 pour rester près de la réalité des jeunes et ainsi pouvoir leur apporter l’aide dont ils auront vraiment besoin.
Publié : mai 2016
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