PROFILS | Publié : avril 2021
Légalisation du cannabis : les jeunes en consomment-ils plus?
Une équipe de recherche menée par Danielle de Moissac a étudié la consommation du cannabis par la population étudiante de l'USB.
Une étude menée par la chercheuse Danielle de Moissac portant sur la consommation du cannabis récréatif à la suite de sa légalisation en octobre 2018 a été pour Kevin Prada une occasion intéressante à saisir. Étudiant en psychologie à l’Université de Saint-Boniface (USB), l’assistant de recherche est ravi de finalement pouvoir partager les objectifs et les résultats de ce projet, qui s’avère très pertinent pour la société d’aujourd’hui.
« Les jeunes sont une population à risque en ce qui a trait à la consommation d’alcool et de drogues, indique-t-il. Nous voulions en connaitre davantage sur leurs habitudes face à une drogue qui est maintenant devenue légale. »
L’étude, qui fait partie d’une enquête portant sur les comportements à risque et le bienêtre des étudiants de cinq universités (Université de Saint-Boniface, Brandon University, Bishop University, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue et Université d’Ottawa) dans trois provinces canadiennes (Manitoba, Québec et Ontario) a permis de sonder quelque 2 069 étudiantes et étudiants.
L’équipe de recherche s’est concentrée sur la population étudiante de l’USB âgée de 18 à 24 ans, une démographie pour laquelle on avait déjà obtenu des données sur la consommation du cannabis en 2012.
« Nos sondages se sont déroulés en deux temps, souligne l’assistant de recherche, un mois et quatre mois après la légalisation du cannabis. » Et pour assurer une récolte juste des données, la spécialiste en statistiques, Ndeye Rokhaya Gueye a mis la main à la pâte, participant à la conception des outils de mesures, à l’analyse statistique, à l’interprétation des données et à la diffusion des savoirs.
« La collecte des données s’est effectuée en salle de classe, grâce à l’ouverture et à l’appui du corps professoral de l’USB, précise-t-elle. Le sujet de l’étude interpelait beaucoup les étudiants, donc le taux de réponse a été favorable ».
La chercheuse explique aussi que cette étude permet de comparer les données à celles des autres études scientifiques sur le sujet et sur la population des jeunes adultes, particulièrement en contexte linguistique minoritaire. « Il n’y a pas beaucoup de données, notamment de la part d’organismes indépendants, autres que les résultats du gouvernement du Canada. On vient appuyer ces données, et la tendance est la même. »
La chercheuse principale, Danielle de Moissac, qui en est à sa quatrième étude portant sur la santé mentale et les comportements à risque des étudiants en milieu postsecondaire depuis 2006, voit évoluer les tendances. Selon elle, le cannabis a toujours été la substance la plus souvent consommée par les étudiants, mis à part l’alcool. « Ce que nous constatons à la suite à la légalisation, c’est que cette dernière a eu peu d’effet sur la consommation chez les jeunes, tout comme cela a été rapporté dans d’autres pays.
« Par ailleurs, ce sont ceux qui en consommaient déjà qui en consomment davantage. Cette tendance se maintient en 2020, même pendant une pandémie. »
L’étude démontre aussi que la sensibilisation et la prévention sont essentielles. « On sait que cette drogue peut avoir des effets néfastes sur le développement du cerveau et sur le plan comportemental, rappelle l’étudiant en psychologie, Kevin Prada. Il fallait bien informer les utilisateurs des conséquences possibles, donc il y a eu beaucoup d’efforts de sensibilisation avant la légalisation du cannabis, particulièrement auprès des adolescents et des jeunes adultes.
« Finalement, comme les lois ne semblent pas changer de manière importante le comportement des jeunes quant à la consommation de cannabis, il est important de continuer à mesurer les tendances de ce comportement à long terme », conclut-il.
Les résultats de l’étude ont été publiés sur le site du Journal Canadien d’Addiction.
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