PROFILS | Publié : décembre 2016
Se démarquer par le dessin
Extrait de la page couverture du recueil de caricatures de Bernard Mulaire, ancien élève du Collège de Saint-Boniface
Jeune dessinateur et caricaturiste dans les années 1960 et 1970, l’ancien élève du cours classique du Collège de Saint-Boniface (aujourd’hui Université de Saint-Boniface [USB]) jusqu’en 1966, Bernard Mulaire, verra désormais ses caricatures rassemblées en un recueil publié aux Éditions du Blé.
« J’ai toujours été encouragé à faire du dessin quand j’étais enfant, se souvient Bernard Mulaire. Ça m’amusait. Au Collège, j’y ai trouvé mon identité. Je n’étais pas sportif du tout, alors c’est dans le dessin que je me démarquais. »
Alors que Bernard Mulaire avait 14 ans, un père jésuite lui a demandé de contribuer au journal de sa classe par ses dessins. Il a commencé par croquer ses camarades et ses professeurs, puis, quand le journal La Liberté et le Patriote a réservé une page pour l’USB en 1964, il s’est lancé dans la caricature.
« J’avais 17-18 ans et il y avait tout un vent de contestation qui soufflait au Québec, aux États-Unis et au Manitoba, raconte-t-il. C’était aussi un temps de renouveau dans l’Église catholique. Et comme le Collège nous formait pour être des chefs de file, on était encouragés par les jésuites à développer et à exprimer nos opinions. »
D’abord traitant de sujets touchant l’USB, puis de politique locale, les caricatures de Bernard Mulaire étaient d’ailleurs bien acceptées par les jésuites, même lorsqu’elles critiquaient le milieu strict et fermé de l’USB.
En revanche, l’une d’elles en appui au mouvement souverainiste n’a pas plu aux pères Oblats, responsables de La Liberté et le Patriote, ce qui entrainé la suppression de la page de l’USB dans le journal.
Bernard Mulaire a ensuite été invité à contribuer au Courrier de Saint-Boniface, un hebdomadaire bilingue contestataire fondé par Raymond Hébert. D'ailleurs, il a aussi vu quelques-uns de ses textes se faire publier dans les Cahiers franco-canadiens de l'Ouest, dont un texte sur les arts au Manitoba français et deux autres sur deux artistes originaires de Saint-Boniface.
« Ce qui m’inspirait le plus à dessiner, confie-t-il, c’était la situation sociale, l’Église et le choix d’un drapeau. »
À la fin des années 1960, cependant, la production du caricaturiste franco-manitobain a fortement diminué alors qu’il entamait des études en beaux-arts à l’Université du Manitoba. « Les sujets politiques ne m’intéressaient pas tant que ça finalement, explique-t-il. Le plus important pour moi, ma constante, c’était plutôt le dessin à la mine de plomb. »
Aujourd’hui, pourtant, Bernard Mulaire est vu par beaucoup comme un témoin de son temps qui a fait réfléchir ses contemporains par le biais de ses caricatures. Un rôle qu’il endosse maintenant, mais qu’il ne réalisait pas à l’époque.
« Contester était dans l’air du temps, se souvient-il. On faisait ça pour s’amuser. On ne se voyait pas comme des guérilleros! Je ne saisissais pas la portée de ce que je faisais. C’est plus tard que je l’ai comprise, et ça me fait aujourd’hui énormément plaisir que mes caricatures soient des documents visuels qui vont rester d’une époque. Je suis fier d’avoir été si osé, dans une société qui était alors encore très hiérarchisée. »
Il a notamment caricaturé l’archevêque de Saint-Boniface, Monseigneur Baudoux, les religieuses lorsqu’elles quittaient leur habit traditionnel, et même le Pape.
« De plus, quand je revois mes dessins toutes ces années après, je me trouve un très bon coup de crayon pour un jeune amateur de 18-20 ans! », ajoute-t-il.
Âgé aujourd’hui de 71 ans et vivant à Montréal, Bernard Mulaire n’a en effet plus dessiné depuis l’âge de 35 ans, pour se consacrer notamment à l’histoire de l’art. Caricatures est la seule œuvre rassemblant l’ensemble de ses dessins et caricatures qui a été publiée, en plus de quelques œuvres inédites. L’écrivain Roger Léveillé, un ami de jeunesse de Bernard Mulaire, en est l’initiateur.
« Ce que j’aime de ce recueil, c’est que mes dessins y existent pour eux-mêmes, termine le caricaturiste. Ce ne sont pas juste des illustrations de texte. C’est vraiment un cadeau inespéré à 71 ans. Toute ma jeunesse s’y trouve, sortie de l’oubli. Je suis très fier du résultat, qui me ressemble tout à fait. Et comme historien de l’art, ça me touche d’avoir désormais un corpus de mes œuvres, où tout est expliqué et a un sens, plutôt que des caricatures éparpillées et oubliées. »
Le lancement du recueil est prévu pour le 14 décembre à 19 h au Salon Empire du Centre du Patrimoine (340, boulevard Provencher, Winnipeg).
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