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50 ans de droit en français
En 50 ans de carrière, l’avocat Rhéal Teffaine a joué un rôle clé à faire du français une langue d’exercice du droit à part entière au Manitoba.
Ancien élève du Collège de Saint-Boniface, aujourd’hui Université de Saint-Boniface (USB), Rhéal Teffaine vient de célébrer ses 50 ans de profession d’avocat. En effet, il a été appelé au Barreau en 1965. « Selon la Société du Barreau du Manitoba, je suis le seul juriste franco-manitobain à avoir pratiqué pendant 50 ans », souligne-t-il.
Le Barreau a organisé un banquet le 4 novembre 2015 pour célébrer cet anniversaire, ainsi que ceux de six autres avocats du Manitoba. Rhéal Teffaine avait aussi reçu, en 1975, le titre honorifique de Conseiller de la Reine.
Rhéal Teffaine, diplômé de l’USB, célèbre 50 ans de profession d’avocat
« Dans mes 50 ans de carrière, j’ai consacré dix ans à défendre les professeures des écoles résidentielles indiennes, souvent des religieuses oblates, accusées à 80 ans d’agressions sexuelles, mais j’ai surtout fait de la pratique générale, révèle-t-il. Aujourd’hui, parce que je vieillis, et mes clients aussi, je fais beaucoup de planification de succession d’entreprise. Dans certaines familles, j’ai représenté trois générations! »
Si Rhéal Teffaine est aujourd’hui l’avocat franco-manitobain le plus expérimenté, il le doit en grande partie au Collège de Saint-Boniface.
« J’ai passé sept ans au Collège de Saint-Boniface, de 1954 à 1961, des éléments latins jusqu’à la philosophie 2, raconte-t-il. Ensuite, je suis allé à la faculté de droit de l’Université du Manitoba avec un ami parce que le Collège nous l’avait conseillé.
« À cette époque, en droit, on avait cours le matin et cléricature dans un bureau d’avocat l’après-midi. Ça donnait tout de suite une expérience pratique, ce qui était une bonne chose. Mais ce n’était pas facile pour nous qui étions francophones, car les cours étaient seulement en anglais. Heureusement, beaucoup de termes en droit sont en lien avec le latin, et on avait fait du latin au Collège. »
Une place pour les francophones
Comme avocat, Rhéal Teffaine a toujours pratiqué dans les deux langues officielles, avec des associés capables d’exercer en français, et il a fait en sorte que tous les juristes francophones puissent s’épanouir dans leur langue. C’est une expérience personnelle qui l’a convaincu dans cette voie.
« Quand je commençais ma carrière, j’ai voulu faire homologuer le testament de mon grand-père qui était rédigé en français, se souvient-il. Le greffier a refusé avec arrogance. Il exigeait une traduction en anglais qui serait considérée comme le document officiel. »
Pour Rhéal Teffaine, ce fut le début d’une lutte pour la place du français en droit. Président du Barreau du Manitoba en 1988, il a notamment créé un comité spécial pour regrouper les juristes francophones, duquel ont découlé l’Association des juristes d’expression française du Manitoba (AJEFM) puis la Fédération des associations de juristes d’expression française de common law inc. (FAJEF).
« Aujourd’hui au Manitoba, on peut être servi en justice de A à Z en français, toutes les lois sont adoptées en anglais et en français, et le juge en chef du Manitoba, Richard Chartier, ainsi que le juge en chef de la Cour du Banc de la Reine du Manitoba, Glenn Joyal, sont tous deux francophones, se réjouit-il. C’est une révolution tranquille! »
En outre, avec l’AJEFM, « on a constitué un comité pour créer des outils de droit en français, car tout était en anglais, ajoute-t-il. On a ainsi mis sur pied l’Institut Joseph-Dubuc au Collège universitaire de Saint Boniface ».
À l’origine de l’Association étudiante
Par ailleurs, Rhéal Teffaine a marqué l’histoire de l’USB en devenant le tout premier président de l’Association étudiante du Collège lors de ses premières années d’université.
« Ce n’était pas populaire auprès du recteur et du préfet, mais on avait réussi à convaincre un Jésuite que ça nous aiderait à mieux comprendre les procédures et comment tenir une assemblée, précise-t-il. De plus, avoir une association étudiante nous donnait accès à l’association nationale, ce qui nous offrait des avantages. »
Il a aussi créé un fonds pour l’USB à laquelle il contribue chaque année. « Je n’ai que des bons souvenirs du Collège de Saint-Boniface et c’est grâce à eux que je fais une si belle carrière, conclut Rhéal Teffaine. Quand on a reçu beaucoup, il faut savoir redonner. »
Publié : janvier 2016
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